dimanche 31 mars 2013

Existence d'Edward Bond

Christian Benedetti met en scène la pièce d'Edward Bond, auteur qu'il a souvent monté au Théâtre-Studio à Alfortville. Cette fois, c'est au Studio-Théâtre de la Comédie française.
Cette courte pièce (une heure) est un huis-clos entre deux personnes : une nuit, x pénètre par effraction dans un appartement. Il tombe, sans s’y attendre, sur Tom, qu’il neutralise. Ce qui ressemble d’abord à un cambriolage tourne progressivement à une confrontation, entre un jeune voyou qui finalement déplace la violence de l'autre à lui (il veut que sa victime, qu'on découvre muette, le tue). Les 3/4 de la pièce se déroulent dans une obscurité quasi complète, qui souligne l'échange verbal et la tension entre les deux hommes. Mais cet artifice en cache mal un autre, celui de la violence physique qui semble encore plus simulée.

Edward Bond explique : "La tragédie, c’est la reconnaissance de la responsabilité d’être humain, par conséquent de votre responsabilité du monde.
Le but de la forme théâtrale est de rap- peler leur innocence aux spectateurs en la leur montrant – comme quelque chose qu’on connaît mais qu’on essaie d’oublier. Nous ne sommes pas responsables de nos crimes mais de notre innocence."

jeudi 28 mars 2013

Le Mur Invisible

Une femme se retrouve seule dans un chalet en pleine forêt autrichienne, séparée du reste du monde par un mur transparent au-delà duquel toute vie semble s’être pétrifiée. D'abord incrédule, la jeune femme se fait à cet isolement forcé.

La jeune femme apprend à vivre au rythme de la nature et dans cette solitude, qui n'en est pas complètement une, grâce à son chien Fuchs. Elle vit grâce à la cueillette, à la culture, à la chasse et à sa vache Bella, qu'elle fait vêler.
Elle est dans ce monde le seul être qui fait le bien ou le mal, le seul qui sache qu'il a un destin, le seul aussi qui a voulu s'affranchir de l'ordre des choses, mais qui face à
Sa voix est toute petite face à l'immensité de la nature et des éléments (vent, neige, orages…). La voix off et les flash back sont parfois un peu inutiles et cassent l'envoûtement.
Ce premier film aux images somptueuses de nature repose sur l'interprétation sobre de Martina Gedeck, il pose la question de notre nature profonde et de notre place dans l'univers : que reste t-il d'humanité quand il n'y a plus d'êtres à aimer ?

lundi 25 mars 2013

Frankie Knuckles
 & David Morales
 @ MoS

Frankie Knuckles
 entame les hostilités par un set disco-house pas très inspiré, où s'enchaînent Teddy Pendergrass ("You can't hide…") ou un remix de "You got the love". Un set très pumpin house, sans grands classiques.  Frankie Knuckles
   David Morales
 prend la relève à 4h du matin derrière son ordi pour un set encore plus pumpin (remix de "Hear the Music", Nu Colours par les MAW, son titre "Needin' You", Arno Cost "Lise"…) avec quelques perles de mauvais goût vers la fin, comme un remix de "Roxanne" de Police (ouille les oreilles!) et même "Pump up the Jam" de Technotronic…  
Dans la salle Loft, les DJs Fabrizio Marra, Emeskay, Gary Peee et Nathan Martin sont moins commerciaux. Grand moment avec le "On the Move" de  Electronic Youth.
Le public est hétéroclite, avec pas mal de touristes comme souvent au MoS, qui n'était pas complet ce soir là.

 Saturday Sessions : Def Mix 25th Anniversary @ Ministry of Sound  23:00 - 07:00, £24  
Frankie Knuckles


"David Bowie is" au V&A (1)

"David Bowie is all around us." annonce d'emblée l'exposition, qui explique que David Bowie nous a montré que nous pouvions être ce que nous voulions être ("but just for one day"?). L'expo veut explorer son processus créatif et son influence à travers cinq salles, contenant 300 objets sur les 75 000 répertoriés dans la collection privée de l’artiste, qui a ouvert ses archives au V&A.
Photos de David bambin, première apparition télévisée où Bowie se fait porte-parole des garçons aux cheveux longs qui en ont marre d’être raillés dans la ru, et surtout beaucoup de manuscrits des textes de ses chansons.
Dans la seconde salle est évoqué Space Oddity, inspiré par "2001" de Kubrick et les premières photos en couleur de la terre (photo).

jeudi 21 mars 2013

Wax Tailor @ Olympia

Wax Tailor, c'est sympa, ça plaît à peu près à tout le monde, grâce à un habile syncrétisme musical. Il prend les gimmicks du rap (samples et scratches), la puissance des beats et du flow des rappeurs, l'orchestration du trip hop mais pas son côté obscur, quelques chansons, de la flûte traversière et les cuivres du jazz.

Cela donne du Portishead en plus soft, moins sombre et tourmenté. Inoffensif et pas vraiment subversif, ni sans réel message. La richesse des samples et visuels compense le peu de prise de risque musical. Quand un beat hip-hop rencontre une flûte traversière, cherchez l'erreur.  "1234" on croit que le son sera plus brut, fausse alerte.  Mais les rappeurs d'ASM ont un bon flow et une forte grosse présence.

lundi 18 mars 2013

La Porte du Paradis

Michael Cimino s'est basé sur un fait réel, le meurtre d’une centaine d’immigrants coordonné par une association de grands propriétaires dans le comté de Johnson en 1890. Le film commence vingt ans plus tôt à Harvard, lors de la cérémonie de remise des diplômes, quand le jeune Jimmy était encore un brillant orateur de la classe aisée. Vingt après, on le retrouve un peu à son corps défendant suivant sa classe, celle des grands éleveurs, qui établissent une liste de 125 noms d’immigrants « voleurs et anarchistes » (?) pour les assassiner sans aucun procès, alors qu'ils attendent désespérément leurs titres de propriété.

Cette version longue de 3h36 est à la fois magnifique pour ses paysages et décors grandioses, et insoutenable par la misère des immigrants d'Europe de l'Est et leur meurtre de sang froid. Michael Cimino décrit une Amérique sanglante et injuste, où se perpétue un second pogrom après celui des Indiens. Entassés sur des trains ou en convois à pied, ils rappellent les trains de déportés ou l'exode de la Seconde guerre mondiale.

Kris Kristofferson joue le rôle d'un shérif un peu blasé et peu disert, amoureux d'une jeune prostituée française (Huppert), au centre d'un trio amoureux (Nate, alias Christopher Walken). L'épilogue montre l'ancien shérif sur un yacht, avec sa compagne légitime, un couple sans amour symbolisant la fin d'une utopie.

Réalisé quelques années après le sublime Voyage au bout de l’enfer, La Porte du Paradis (1980) est un film maudit, qui a ruiné les studios United Artists créés par Chaplin. L'obsession du détail de Michael Cimino l'a conduit à faire reconstruire des pans de villes entiers dans trois Etats différents ou à acheminer une locomotive d'époque au fin fond du Montana.

vendredi 15 mars 2013

Amon Tobin

Une première partie un peu déconcertante : les titres s'enchaînent mal on passe du coq à l'âne et cela bouge peu. Tout le contraire vers la fin, pour un set bien jungle soutenu par un show visuel grandiose avec ce mapping de cubes.

mardi 12 mars 2013

Des abeilles et des hommes

Nous suivons, dans la ruche et même en vol les abeilles. Markus Imhoof donne un bon aperçu du travail apicole dans le monde, avec quelques effets de mise en scène. C'est un plaidoyer pour ces bienfaitrices de l'humanité, qui pollinisent 2/3 de nos fruits et légumes. Le film montre l'antagonisme croissant entre l'homme et la nature, qu'il asservit, entre la tradition en Bavière (même s'il y existe un business de la sélection de reines envoyées par la poste !) et les ruches itinérantes américaines, posées au milieu de milliers d'hectares de monoculture d'amandiers. L'apiculteur explique que son grand-père, lui-même apiculteur, serait sans doute horrifié par ses méthodes. Mais le bourdonnement évoque pour lui "the sound of money". Il s'agit d'élevage industriel, avec parfois des pertes industrielles. Du coup, la plupart des abeilles doivent tenir à coup d'antibiotiques (Fumagilin), pour survivre aux fongicides déversés sur les amandiers. Sinon, c'est l'hécatombe, comme en Allemagne, où elles sont gazés puis brûlées pour éviter toute contamination. Une ruche contient 50 000 abeilles, la reine —fécondée en vol par de faux bourdons qui mourront immédiatement— peut pondre 2000 œufs par jour. La ruche est un modèle d'organisation sociale sans réels ordre ou pouvoir.
Les abeilles n'existaient pas en Amérique ou en Australie avant l'arrivée des occidentaux. Elles ont disparu en Chine (Mao a anéanti les oiseaux, les nuisibles ont pris le dessus) où il faut polliniser les fleurs à la main !

dimanche 10 mars 2013

Wadjda

Wadjda, douze ans, habite dans une banlieue de Riyad, capitale de l’Arabie Saoudite. Elle ne rêve que d’une chose : s’acheter le beau vélo vert qui lui permettra de faire la course avec son ami Abdallah. Mais les bicyclettes sont réservées aux hommes.
Wadjda décide alors de participer au concours de récitation coranique organisé par son école, avec pour la gagnante, la somme tant désirée.

Premier film saoudien, réalisé par Haifaa Al Mansour. Un vrai petit chef d'œuvre, un film dans la veine des néo-réalistes italiens, avec une histoire sans naïveté ni mièvrerie, des acteurs excellents (la jeune Waad Mohammed et son sourire désarmant), un film drôle, audacieux, intense… La réalisatrice, qui dit avoir été très influencée par le "Rosetta" des frères Dardenne, explique ne pas vouloir en rajouter, "la réalité est très riche en Arabie Saoudite et pleine d'ironie."
Quel contraste entre la liberté dans les appartements (jeans, rock, télé…) et l'extérieur (taxi, niqab…).
Wadjda nage elle-aussi dans cette schizophrénie et celle du passage de l'enfance  à l'âge adulte

dimanche 3 mars 2013

Antoine d'Agata

Antoine d'Agata présentait une installation de ses clichés de guerre et de bordels au Bal à Paris. Il montre la violence des corps dans ce déluge de photos qui couvrent tous les murs. Les prostituées ont l'air de victimes de la torture, le sexe d'un supplice, la jouissance d'un râle de mort… Les chairs de Francis Bacon hantent ses photos.

samedi 2 mars 2013

"Ce que j’appelle oubli" d'Angelin Preljocaj


Le point de départ de la nouvelle pièce d'Angelin Preljocaj est le texte de Laurent Mauvignier, pris dans l’étau d’une seule phrase d’une soixantaine de pages, écrit en réaction au meurtre par quatre vigiles dans un supermarché lyonnais d’un jeune marginal de 25 ans coupable d'avoir bu une canette de bière sans l'avoir payée .
Cette pièce pour six danseurs et un comédien a été créée lors de la dernière Biennale de la danse, à Lyon, portée par la musique minimaliste de 79D.

Laurent Mauvignier dit s'être inspiré de "La Nuit juste avant les forêts" de Koltès, avec ce monologue et ce phrasé psalmodié, si caractéristiques. "Ce que le procureur a dit, c'est qu'un homme ne doit pas mourir pour ça…" est la première phrase, tiré du journal. Dans ce texte, c'est le corps qui parle, derrière le narrateur, les quatre vigiles entament une chorégraphie de gestes esthétique et macabre à la fois.