mercredi 30 mars 2016

Le siège (Sarajevo 1992-1995)

Documentaire réalisé par Rémy Ourdan et Patrick Chauvel (France, 2015, 1h30)
Le plus long siège de l’histoire récente relaté par Rémy Ourdan, grand reporter de guerre, qui a vécu l’encerclement de la ville de l’intérieur, pendant toute sa durée, aux côtés des habitants. Construit autour de trois éléments – la face sombre du siège (les bombardements et les tueries de civils), sa face lumineuse (les actes de bravoure, la dignité et l’humour de la population) et le déroulé des événements –, ce récit éclairant interroge le rapport à la vérité et l’engagement des journalistes étrangers.


Ce siège visait à provoquer le défaitisme des Sarajéviens, explique l'un d'eux : "Que l'on en ait rien à faire du Sarajevo multi-ethnique et que l'on dise "je veux survivre"!". Mais les habitants ne se sont pas montés les uns contre les autres, il fallait vivre normalement sinon l'ennemi vous avait détruit psychologiquement. On assiste à un mariage, "ensemble peut-être la dernière pour la dernière fois", à des concerts de rock, du théâtre, de la danse en club… Il fallait être créatif car chaque jour pouvait être le dernier, explique un témoin. On comprend alors que le théâtre est aussi important que l'eau ou le pain, il devient un monde parallèle, une échappatoire.

Des soldats expliquaient à des comédiens: "Si vous ne faisiez pas cela, nous n'aurions rien à défendre." La dignité d'une ville assiégée en pleine Europe, à la fin du XXè siècle par des milices nationalistes. Et ce n'était pas une fiction…

mercredi 23 mars 2016

Bacchanales modernes !



Cette exposition exceptionnelle, à la fois en raison de son sujet inédit et de son caractère pluridisciplinaire au croisement de tous les arts (beaux-arts, arts décoratifs, photographie, musique, danse...), réunit une sélection d'une centaine d'oeuvres - peintures, sculptures, arts graphiques… Abordant toutes les techniques et faisant côtoyer des chefs-d’œuvre incontournables à des oeuvres plus inédites, elle souhaite renouveler le regard sur les arts du XIXe siècle en plongeant le visiteur dans l'univers visuel mais aussi musical de cette époque foisonnante. La découverte de la figure polymorphe de la bacchante, fidèle et sensuelle prêtresse du cortège bachique, constitue à cet égard un thème novateur et fédérateur qui trouvera un écho particulier dans la cité de Bacchus, en préfiguration à l'ouverture de la Cité des civilisations du vin au printemps 2016.
 
En résonance avec l'héritage artistique et la culture vinicole de la capitale girondine, cette exposition se veut enfin au cœur d'une synergie rassemblant, autour d'actions de médiation innovantes, l'ensemble des acteurs culturels de la Ville (musées, bibliothèques, opéra, théâtre, conservatoire de musique, école des Beaux-Art, etc.).


Le XIXè siècle revisite le mythe de Bacchus/Dyonisos, de ses bacchanales et bacchantes, lors de ces fêtes célébrant l'ivresse de l'amour et du vin. Bacchus, accompagné des nymphes des Ménades, de satyres (mi-hommes mi-boucs, dont Silène), faunes et centaures (mi-hommes mi-chevaux).
Les bacchantes, reconnaissables à leur peaux de bêtes, ont été représentées dansantes (animées par la mania) puis allongées, reliées à des mythes comme celui des ondines ou Willis (jeunes femmes mortes avant leur nuit de noces, photo) ou celui d'Orphée, tué par les Ménades.

La bacchante est associée à l'hystérie féminine décrite par Charcot (la tête renversée des Ménades grecques) ou à la danse incarnée par Isadora Duncan. Elle inspire aussi des opéras bouffes et opéras (les ballets russes de Diaghliev, Berlioz…). Elle est aussi associée aux prostituées ou à la décadence du Second empire lorsque Carpeaux en orne l'Opéra de Paris, provoquant une polémique.

mardi 22 mars 2016

Midnight Special

Jeff Nichols franchit le pas qui séparait la psychologie et le surnaturel (Take Shelter) de la science-fiction, avec Midnight Special.
Le réalisateur introduit ce côté fantastique de façon poétique et naturelle. Par rapport à son précédent film, les personnages sont plus creusés, plus profonds, notamment celui de la mère (Kirsten Dunst), seule à envisager que leur enfant sera peut-être mieux sans ses parents. Le film laisse le spectateur se poser beaucoup de questions (par exemple, sur ces deux hommes au début).
C'est un très beau film sur la filiation, l'avancée dans la vie, la perte ou le départ d'un enfant,  sur le sens de la vie, le bien et le mal. Il y a beaucoup de lectures possibles et un subtil mélange des genres: SF, road-movie, espionnage… Avec un hommage appuyé à Rencontres du Troisième Type, notamment avec Paul Sevier de la NSA, le scientifique qui se laisse séduire par ce qu'il ne comprend pas.
Jeff Nichols explique dans Trois : "Quand mon fils avait à peu près 1 an, il a fait une convulsion fébrile – c’est une réaction à une poussée de fièvre. Il avait des spasmes, les yeux révulsés, c’était terrifiant. Ma femme et moi avons cru qu’il allait mourir. Ça m’a fait prendre conscience que je n’avais absolument aucun contrôle sur mon enfant ou sur ce qui lui arrive, et ça m’a terrorisé. J’ai commencé à envisager d’en faire un film, mais la peur en soi n’est pas une idée suffisante. Donc j’ai essayé de réfléchir à la façon dont je gérais cette peur. J’ai compris que notre réaction face à la peur est d’essayer de reprendre le contrôle. Dans ce cas précis, de contrôler entièrement l’environnement de notre enfant pour qu’il soit en sécurité. Ce qui n’est pas vraiment une bonne idée. Je me suis alors demandé comment être un bon père ; et il m’a semblé qu’il s’agissait surtout de comprendre qui est votre enfant. C’est de ça que parle le film : un père qui fait ce voyage avec son fils – littéralement, sur les routes. Il essaie de comprendre où son fils doit aller et de l’aider à y arriver."


Room

Jack, 5 ans, vit seul avec sa mère, Ma. Elle lui apprend à jouer, à rire et à comprendre le monde qui l’entoure. Un monde qui commence et s’arrête aux murs de leur chambre, où ils sont retenus prisonniers, le seul endroit que Jack ait jamais connu. L’amour de Ma pour Jack la pousse à tout risquer pour offrir à son fils une chance de s’échapper et de découvrir l’extérieur, une aventure à laquelle il n’était pas préparé.

Le film adopte le point de vue de l’enfant, cachant pudiquement les scènes de viols puisque l'enfant de 5 ans dort dans l'armoire. Mais il se divise en deux parties inégales: d'abord le quotidien d’une mère et son fils entre les quatre murs d’une pièce exiguë munie d'un seul vasistas. Puis le retour dans la famille après 7 ans de captivité, avec une belle séquence d’évasion. La relation du père avec la jeune femme n'est pas creusée, celle de son beau-père, qui apprivoise son fils est plus touchante. Mais le film aligne des scènes mélodramatiques soutenues par de la musique et une voix off.

Le film aurait pu être aussi troublant que "Bad Boy Bubby" de Rolf de Heer ou aussi poétique que le "Mysterious Skin" de Gregg Araki, ce n'est pas le cas.

jeudi 17 mars 2016

Pierrick Pédron au Studio de l'Ermitage

"Pierrick Pédron débarque avec And The, son nouvel Osni (objet sonore non identifié) : suite ethno funk psychotrope, mélodie éthio soul to soul, rock sous boule à facettes disco, pointes d’électro, drum’n’bass organique … ça brasse large et le cap est clair : « pourvu que ça groove ! ». Après avoir réinvesti Cure en mode jazz débridé et honoré sans piano l’esprit de Monk, Pédron l’iconoclaste s’offre un jouissif nouveau trip sonore hors limites."

Du jazz qui groove, avec quelques accents funk et un saxo rutilant.


Pierrick PÉDRON : saxophone
Chris DE PAUW : guitares
Vincent LAFONT : claviers
Antoine PAGANOTTI : batterie
Julien HERNÉ : basse

mardi 15 mars 2016

Albert Maignan à la Fondation Taylor

Artiste-phare de la fin du XIXe siècle, Albert Maignan légua à la Fondation Taylor, qu’il présida, sa maison-atelier de la rue La Bruyère et au Musée de Picardie ses collections archéologiques et son fonds d’atelier, véritable laboratoire de son œuvre qui retrouvera le temps de cet hommage les murs où elle fut créée.

La Fondation Taylor présente les travaux préparatoires des décors que Maignan réalisa dans Paris - de la Gare de Lyon à l’Opéra-Comique, du Sénat à l’Hôtel de ville ou Notre-Dame-de-Consolation - l’exposition fera découvrir toute la virtuosité de cet artiste, traduite au travers de techniques et médiums variés.

Au dernier étage, dans son atelier, est présenté son chef d’œuvre, Les Voix du tocsin, gigantesque peinture qui est déroulée pour la première fois depuis 1918 et restaurée en public au milieu des études préparatoires qui ont jalonné son élaboration ainsi que d’autres œuvres marquantes de cette période.


dimanche 13 mars 2016

Ark Tattoo

Un homme moustachu au crâne dégarni nous invite avec un fort accent anglais à regarder ses antiquités. Nous entrons comme dans un garage, faisant office de vide grenier, installé sur la scène du théâtre. Pendant de longues minutes, il nous propose de chiner en nous informant que tout est à vendre. Entre de vieux Playboy et des livres poussiéreux, personne n'est tenté. Le dispositif scénique est original, puisse que les spectateurs ne sont pas assis sur les gradins mais déambulent sur scène. Le brocanteur nous demande de disposer des chaises pour nous asseoir. 


Il nous raconte alors son histoire : orphelin il a subi des traitements pour troubles comportementaux, d'où certaines pertes de mémoire. Il va dès lors jouer avec le public aux jeux qu'il pratiquait avec un de ses pères adoptifs : les spectateurs choisissent les yeux fermés un objet dans un vieux camion qu'il porte en bandoulière. À chaque objet (une vieille chaussette, un bout de taule, un tuyau), correspond un numéro, lequel appelle un souvenir qu'il nous lit, écrit sur une feuille façon scrapbooking. Il nous raconte ainsi sa vie par bribes, sans réelle cohérence ou chronologie. Le spectateur tente de recoller les morceaux de ce puzzle différent à chaque représentation, se demandant ce qui est vrai ou faux, car il y a parfois des contradictions. Il vaut mieux suivre. Nos sentiments sont ambivalents vis-à-vis de cet homme à la fois attachant et effrayant, selon qu'il est sincère ou manipulateur.

Par la compagnie Elapse. Vu au Théâtre de l'Opprimé.

mardi 8 mars 2016

Merci patron !

     

François Ruffin, fondateur du journal Fakir, part en croisade à la rencontre de Bernard Arnault, façon Michael Moore dans "Roger et moi". D'autant que le patron a annocé sa volonté de devenir belge pour payer moins d'impôts.

L'intervieweur-réalisateur se demande si le milliardaire n'a pas bâti sa fortune sur un pêché originel : le rachat des usines Boussac-Saint-Frères ensuite dépiécées avec 8000 personnes licenciées, pour ne garder que la marque Christian Dior. 
Affublé d'un t-shirt "j'aime Bernard", François Ruffin tente en vain de le rencontrer en AG. Ils démontent quelques mensonges, comme ces veste "made in France" fabriquées en Bulgarie pour 30€ de main d'œuvre et vendues 1000€.
Le film a été pour partie financé par 6400 abonnés du journal Fakir, que Bernard Arnault semble connaître…

Au fil de ses interviews d'anciens ouvriers, il rencontre le couple Klur, exemple caricatural de lumpen prolétariat, au chômage, endettés de 25000 euros et sur le point d'être expulsés.


Notre Robin des Bois met alors en place un chantage, presque une farce, pour réclamer 35000 euros à B. Arnault, menaçant d'envoyer syndicalistes et manifestants aux "Journées Particulières, les coulisses d'un rêve", portes ouvertes organisées par LVMH.

Un ex-commissaire est dépêché dans le Nord pour rencontrer ces dangereux activistes. Le tout est filmé en caméra cachée.

De trop longs préparatifs et tractations, qui permettent tout de même un chèque de 40000€ un CDD puis CDI à l'ex-ouvrier. B. Arnault est prêt à tout pour ne pas ternir davantage son image.

On découvre que Marc Antoine Jamet, élu PS, proche de Hollande, fait partie de la garde rapprochée de Bernard Arnault. C'est lui qui vendra la mèche du protocole de confidentialité, le rendant caduque. 
OK, les méthodes sont limites malhonnêtes mais face aux comportements cyniques qu’il brocadre, le péché pourrait vite être pardonné.
F. Rufin manipule tel un marionnettiste le sbire de B. Arnault, mais aussi le couple au chômage. Une farce jouissive, car pour une fois, le rapport de force s'inverse entre riches et pauvres. Mais une fois seulement, pointant la fin des idéologies et du syndicalisme, la fin des actions collectives.