Quand je pense qu'on va vieillir ensemble
L’ambiance est plantée dès que l’on pénètre
dans la superbe salle des Bouffes du Nord : roulements de tambours, trompettes,
hourras et applaudissements en fond sonore, terre sur tout le plateau,
braseros, palettes de bois et vieux matelas. La troupe des Chiens de Navarre
dispute une partie de pétanque, maculés de sang et affublés de fausses dents
tordues. Le tableau est saisissant : on va voir ce qu’on va voir, les enfants
terribles du théâtre vont encore frapper.
Puis c'est un playback très décalé (toujours
avec fausses dents, et avec balai-guitare) du I've been loving you too long,
d'Otis Redding par Ike et Tina Turner.
Quand je pense qu'on va vieillir ensemble
n’évoque pas particulièrement le couple, comme le faisait Pommerat dans ses
Deux Corées, mais plus généralement comment vivre avec l’autre, les autres et
avec soi-même.
Cela commence par deux coaches qui nous
apprennent à contre-balancer les petites actions positives du quotidien par «
même si », après avoir épousseté ses soucis et renoncements et changé de
prénom. Yasmina raconte ainsi « j’ai souhaité un bon anniversaire à ma sœur
même si je couche avec son mari. » S’ensuit une séance de coaching « entretien
» à Pôle Emploi, où la situation devient cocasse quand la candidate engueule le
DRH d’un « j’t’en pose des questions ? J’te demande si t’en as des qualités ?
J’ai pas que ça à faire. J’t’ai envoyé un CV pour ça ! » Le coach l’encourageant
: « Bien. Inverse le rapport hiérarchique. »
Les blagues sur la porte que le candidat a du
mal à imaginer ou le truc de l’absence d’essuie-mains dans les toilettes pour
justifier les mains moites font sourire, mais sans plus. Beaucoup de gags
visuels qui font pourtant hurler de rire nombre de gens, l’acmé en étant
Lapinou qui joue au docteur avec une princesse et maltraite son pénis en tirant
dessus pendant cinq bonnes minutes.
Il y a ce couple dans une voiture, deux chiens
à l'arrière, qu'ils traitent comme leurs enfants. À moins que le vrai couple ne
soit à l’arrière, avec leurs instincts primaires et leur égoïsme. Il y a la
cruauté du couple, la méchanceté du groupe et l’impératif de la société à
réussir, dont la troupe met à nu
le mal être. Une citation de l'auteur suédois Stig Dagerman "Notre besoin
de consolation est impossible à rassasier", est le point de départ à
partir duquel les comédiens ont improvisé, sous la direction de Jean-Christophe
Meurisse.
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