Réunion d’influences aux Électropicales
Des musiques électroniques à la Réunion ? On ne s’attend pas trop à en entendre sur l’île du maloya et de Daniel Waro. Et pourtant, nombre de DJs et de producteurs se retrouvent au festival Électropicales, dont la cinquième édition avait lieu à Saint-Denis, du 16 au 19 mai 2013.
Au stade de Champ Fleuri, ce vendredi à 20
heures, deux joueurs de tennis terminent leur partie sous les projecteurs, au
son du DJ local Matt Waro. La cinquième édition du festival des Électropicales
a investi les lieux. La soirée sera placée sous le signe des infra
basses : dubstep, trap music, bass music… La jeunesse réunionnaise écoute
beaucoup de reggae, de dancehall et de reggaeton. Sébastien Broquet, le
programmateur des Électropicales explique : « La scène electro est
encore jeune, fraîche et de plus en plus variée. Nous sommes passés d’une scène
techno presque 100% zoreil (des arrivants de métropole, NDLR) à une scène très
métissée et curieuse. »
Ce n’est que la cinquième édition des
Électropicales, c’est dire si les musiques électroniques ont mis du temps à
traverser les océans. Le développement de l’Internet haut débit a favorisé leur
propagation. Matt Waro, qui passera son bac dans quelques semaines, joue du
moombahton, « une musique electro au ralenti sur des rythmiques
reggaeton » détaille ce fan de Diplo et de Dave
Nada. « Mon père est musicien de sega, mais je n’aime pas ça. Dans ma
musique, les influences tropicales viennent d’ailleurs. »
Venue de métropole, Missill livre ensuite un
mash up (en français mégamix) pied au plancher, sans temps mort.
Sega et electro
La veille, le bar restau les Pot’Irons
accueillait notamment le DJ Culoe de Song, venu défendre sa vision
sud-africaine de la house. Une bonne partie des artistes electro réunionnais
est venue l’écouter.
Jako Maron, ex-membre des Ragga Force
Filaments (rap créole) passé à l’electro, se souvient : « j’écoutais
du sega comme du Jean-Michel Jarre ou du Depeche Mode. Il n’y avait pas
beaucoup d’autres choses qui arrivaient à la Réunion. Un matin, je me suis
détourné du rap que je produisais pour me tourner vers les poètes réunionnais
et ma musique s’est ouverte. » Son album
« z’Amalgame » mélangeait slam, maloya et effets électroniques, avant
une interprétation plus electro du genre traditionnel dans « Saint
Extension ». Son titre « Zitarane » conte en créole les méfaits
d’un bandit bien connu de l’île. « J’ai enregistré la voix sur un
rythme de sega avant de la poser sur une rythmique electro, ce qui provoque
comme un flottement. »
Le lendemain à Champ Fleuri, la soirée est
plus techno. Techno minimale avec Alex Roland ou les Allemands Âme, Prommer
& Barck. Puis techno pure et dure avec le réputé Jeff Mills, DJ originaire
de Detroit aux États-Unis.
Un Allemand en exil
Le dimanche après-midi, les réunionnais Titus, Al-1, Dani Llonga et DJ
Vague investissent le Barachois, la promenade du bord de mer de Saint-Denis.
Alexander Barck, membre du collectif berlinois Jazzanova, n’est pas seulement
de passage aux Électropicales. Il a suivi sa femme, enseignante française, pour
une année à la Réunion. « Après l’agitation berlinoise, c’était la
première fois que je me retrouvais seul pour travailler… au début. Ici, j’ai vu
des personnes d’un certain âge en transe sur du maloya, cela me rappelait
certains clubbeurs du Berghain à Berlin. Je prépare mon premier album solo, qui
sortira en octobre 2013 et s’appellera « Réunion ». Sébastien, des
Électropicales, m’a présenté plusieurs artistes réunionnais. J’ai travaillé
avec la chanteuse Christina Salem. J’ai aussi rencontré Kwalud et Jeremy
Labelle, dont je publie les titres sur mon label. » Intitulé Réunion records, c’est le sous-label
du fameux Sonar Kollektiv de Jazzanova. Les trois compères aimeraient ensuite
tourner ensemble en Europe.
Jérémy Labelle, Alexander Barck et Kwalud au Barachois |
Créole métropolitain revenu à la Réunion, Jérémy Labelle a grandi avec
la techno de Detroit. « J’y ai ressenti les racines africaines, comme
on les ressent dans le maloya. Ce dernier m’inspire beaucoup. » Sa musique, ouvragée et contemplative, se
nourrit par exemple des influences indiennes comme africaines.
DJ et producteur, Kwalud navigue entre
techno et bass music, lui aussi très attentif aux sons africains ou haïtiens.
Il a également composé pour le spectacle « Kok Batay ». Autre
expérimentateur, Subhash Dhunoohchand, joueur de tabla, frotte son instrument à
de l’électronique. Très versatile, Psychorigid télescope trap music, acid
techno ou dubstep, avec des samples de musique indienne ou de voix créoles.
L’electro
péï (locale) prend donc racine, mais la relève de la French touch y est encore
timide. Jeff Mills nous confie : « je ne connais pas la Réunion,
mais elle pourrait devenir comme Ibiza, une île dont la musique enthousiasme de
l’Europe jusqu’aux États-Unis. »
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