samedi 9 février 2013

La Réunification des deux Corées

Dernière création de Joël Pommerat, la Réunification des deux Corées se compose d’une vingtaine de moments dramatiques, des «nouvelles» (les termes sont de l’auteur) autour du thème de l’amour – "quel que soit le sens que l’on donne à cette expérience fondamentale que nous partageons tous, ne serait-ce qu’en éprouvant son absence". Il y est surtout question de désamour, et d'un domaine sans aucun droit ni devoir, de la difficulté des êtres à s'entendre.

Exemples.
Une femme de ménage passe le balai dans un immense couloir très mal éclairé. Le public a lui discerné le corps d'un homme pendu 3 mètres au dessus d'elle. Sa collègue arrive et lui dit de ne pas rester là : c'est le corps de Patrick, le mari de Corinne, qui justement arrive. Ses deux collègues lui demande des nouvelles de Patrick. "Ils vous a appelées pour vous dire qu'il allait tuer les enfants ?"  
Elle explique alors ses menaces, son désespoir après le divorce qu'elle a obtenu après des années de martyr. "Tu n'en pouvais plus de ce mec ?" lui disent-elles. Mais elle explique qu'elle voulait cet électrochoc pour qu'il change car c'est l'amour de sa vie, qu'ils se remarieront...
Ou pire, ce couple qui rentre de soirée et demande à la baby-sitter si les enfants dorment. Il n'y a pas d'enfant, répond t-elle d'abord, avant que l'on comprenne avec un terrible effroi qu'il n'y a jamais eu d'enfants, que ce couple est uni dans sa solitude et sa folie. Une scène assez magistrale. Pommerat joue avec le spectateur,  la réalité et la vérité changent brutalement.
Joël Pommerat dit s'être inspiré de la Nouvelle Rêvée d'ARthur Schnitzler et de Scènes de la vie conjugale d'Ingmar Bergman pour montrer la folie que recèle le quotidien. Mais ici, guère de mystère ou de surnaturel, comme dans la plupart de ses pièces, on reste dans une certaine trivialité des scènes conjugales, heureusement parfois transcendées par un certain trouble qui saisit le spectateur.