dimanche 4 janvier 2015

Timbuktu

Non loin de Tombouctou tombée sous le joug des extrémistes religieux, Kidane  mène une vie simple et paisible dans les dunes, entouré de sa femme Satima, sa fille Toya et de Issan, son petit berger âgé de 12 ans.
En ville, les habitants subissent, impuissants, le régime de terreur des djihadistes qui ont pris en otage leur foi. Fini la musique et les rires, les cigarettes et même le football… Les femmes sont devenues des ombres qui tentent de résister avec dignité. Des tribunaux improvisés rendent chaque jour leurs sentences absurdes et tragiques.
Kidane et les siens semblent un temps épargnés par le chaos de Tombouctou. Mais leur destin bascule le jour où Kidane tue accidentellement Amadou le pêcheur qui s'en est pris à GPS, sa vache préférée.
Il doit alors faire face aux nouvelles lois de ces occupants venus d’ailleurs…

Le film s'ouvre sur l'image d'une gazelle poursuivie par des hommes en armes, "il faut la fatiguer pas la tuer", expliquent-ils, comme une métaphore de la féminité, de la jeunesse ou de l'innocence, poursuivis par la barbarie. Le réalisateur, Abderrahmane Sissako, utilisent de nombreuses métaphores, comme Abdelkrim qui tire sur un buisson lové comme un pubis féminin entre deux dunes.

Sissako filme de façon sublime les paysages et ses personnages, comme cette famille de Touaregs, qui semble vivre dans une harmonie parfaite, ou ce match de foot poétique sans balle (car interdite). Il se moque ouvertement des djihadistes, qui ne connaissent pas grand chose à l'islam et se permettent d'entrer avec armes et baskets dans la mosquée ou de demander une jeune fille en mariage de façon menaçante, avant de se tromper de prénom —Fatima au lieu de Safia— devant l'imam. Des djihadistes qui tentent de maîtriser l'arabe, quitte à préférer l'anglais ("tu parles trop mal arabe"), qui fument en cachette ou font la cour à une femme mariée (Abdelkrim, qui visite Satima en l'absence de son mari) ou assènent des truismes comme "Nul n'échappe à son destin".

L’inspiration du réalisateur vient de faits réels. En juillet 2012, dans la petite ville d’Aguelhok au Mali, un couple d’une trentaine d’années est placé dans deux trous creusés dans le sol en place publique, puis lapidé. Dans ce village contrôlé par des hommes, leur unique faute a été d’avoir eu des enfants hors mariage. Ce n'est pas tout, puisque l'histoire de l'homme qui est racontée dans le film, est inspirée de l'exécution d'un Touareg sur la Place de Tombouctou. Le personnage de Zabou dans Timbuktu existe dans la réalité. Cette ancienne danseuse du crazy-horse qui exerçait ce métier durant les années 60 est la seule femme qui, au milieu des djihadistes, possède des droits que les autres femmes n'ont pas. Le réalisateur précise : "Elle s’habille comme dans le film, elle a toujours un coq sur l’épaule et elle parle très bien français. Quand les djihadistes étaient à Gao, c’était la seule qui pouvait marcher sans se couvrir la tête, la seule qui pouvait chanter, danser, fumer, et leur dire qu’ils étaient « des connards ». Autrement dit : l’interdit est permis quand la personne est folle."